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The lonely ONE world
 
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Lou
Rêveur
Lou


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MessageSujet: Changement   Changement EmptyLun 14 Nov à 20:30

(texte d'avant ma petite disparition d'1 mois ig à cause de mon emménagement ^^ ça m'aura servi juste avant de passer une grosse étape avec Orime finalement)

- Pas… Encore…

Elle fit un pas en avant, la pointe de son épée raclant le sol à droite et la main gauche venant frapper son front violement. La douleur était par moment si insoutenable qu’elle imaginait son crâne rétrécir et broyer progressivement son cerveau. Un cri s’étouffa dans sa gorge ; malgré tous ses efforts, la névralgie aiguë la mit à genoux, sa volonté cédant au mal intense. Son regard fixa quelques instant les marches du temple où elle se rendait, dans les Hinterlands… Elle n’avait même pas pu atteindre les trolls cette fois. Du sang perla à son nez. Sa vision devint trouble et floue, le décor peint sur des tons rougeâtres…. Ses yeux étaient injectés de sang. Dans un vain effort, elle tenta de se redresser ; elle crut qu’une pointe acérée et brûlante traversait ses orbites pour s’enfoncer jusqu’à sa nuque. Un filet pourpre parut à ses lèvres ; elle sentit ses dernières forces s’étioler, avant de toucher le tapis d’herbe. Le voile blanc… Le même qu’en combat… Sauf que tout disparaissait alors… Lou perdit connaissance.


Un soubresaut agita le corps étendu face contre terre. Chaque muscle l’élança, hurlant comme d’une même voix leur mécontentement. Le visage blafard, presque blanc, reprit quelques couleurs alors qu’arrondissant le dos, une inspiration profonde et précipitée arrachait un gémissement à la jeune femme. Son souffle mit longtemps à devenir régulier. Ses mains crispées raclèrent le sol caillouteux, alors que dans un effort, elle relevait le visage ; ses yeux fatigués subirent le flash violent d’un éclair qui zébrait le ciel. Un grondement puissant retentit peu après, étourdissant son esprit encore confus et dérouté. Son cœur battait irrégulièrement… Il s’était arrêté quelques secondes avant qu’elle ne reprenne connaissance. Un hoquet violent souleva brusquement son estomac, alors qu’une boule de feu semblait remonter sa gorge. Elle cracha du sang, le corps tremblant et affaibli ; Lou se sentait complètement exténuée. Fermant les yeux un moment, elle attendit que les douleurs se taisent, patiemment.

Un vent sec et chaud courait sur le sol rougeâtre. Les terres foudroyées… La guerrière était encore revenue en ces lieux malgré elle. Récupérant quelques forces, elle se redressa, vacillant sur ses jambes. A terre gisait Calysse… et la lame était couverte de sang.

- Les démons… murmura-t-elle en ramassant la lourde épée.

Posant une main sur son cœur, elle songea que le scellé tenait de moins en moins : elle s’était évanouie en début de soirée, et depuis il faisait nuit… Plusieurs heures sans le moindre souvenir, alors qu’auparavant cela ne durait qu’une poignée de minutes. Ces « absences » lui pesaient de plus en plus, et l’impression de se « séparer » en deux personnalités l’effrayait. Et elle n’avait pas envie d’en parler aux autres… ne préférant pas les inquiéter plus que nécessaire.
Cherchant un coin où elle serait à l’abri des foudres menaçantes et des créatures démoniaques qui rodaient là, Lou finit par s’affaisser contre une paroi, derrière quelques rochers. Elle entreprit de nettoyer sa lame, ressentant les vibrations de sa propre haine émaner à son contact. Du sang coula à nouveau de son nez… Les reflets orange et rouge de Calysse disparurent dans le fourreau. Lou l’accrocha en bandoulière dans son dos puis farfouilla dans un de ses sacs, sortant un bloc rond enroulé de tissu. Déballant la pierres aux runes magiques, elle posa sa paume sur celle-ci, activant le sort…


Iron Forge… Lou bouscula quelques clients pour quitter l’auberge toujours aussi surpeuplée. Elle n’en pouvait plus de cette ville bondée de monde, et de bien trop d’imbéciles qui polluaient les lieux de remarques stupides… Mais elle ne savait pas où aller. Theramore était l’endroit qu’elle préférait sans commune mesure. Cette ville côtière lui semblait calme, et emprunte d’une atmosphère… de respect. Pourtant elle ne s’était plus décidée à retourner là-bas depuis certains évènements. A l’instar des Hinterlands, elle n’avait plus sa place pour y demeurer… Elle sourit un bref instant en pensant que Jim, le soûlard installé contre l’auberge, devait garder son « rocher ».
La jeune femme prit la direction du hall des armes, se rendant à l’auberge où elle résidait. Là, elle régla les frais de sa chambre et prit avec elle ses affaires. Une semaine passée dans le silence n’avait pas suffi. Il fallait qu’elle se retrouve… Et sans doute qu’elle se relâche. Se contenir sans cesse pour ne pas céder en présence de monde, aggravait ses crises. Si cela se poursuivait, son corps ne tiendrait pas, en dépit de sa résistance.

- Orime… pensa-t-elle à voix haute en s’approchant de la boîte au lettre.

La dernière fois qu’elle avait croisé la prêtresse, celle-ci semblait des plus demandée. Ses dons sans cesse mieux utilisés lui avait apporté une certaine renommée, et elle devait sans doute se démener pour accomplir au mieux sa vocation. Lou avait besoin d’elle… avant que cela ne soit plus utile. Mais d’abord, il lui fallait évacuer ces tensions accumulées ; elle ne voulait pas être dangereuse pour son amie le jour où celle-ci la libèrerait…
Lou prit appui contre la boîte pour écrire quelques lettres. Cela fait, ses pas la menèrent jusqu’aux forges, où elle emprunta un griffon. Elle eut un dernier regard sur la ville naine alors que la monture prenait son envol. A bientôt mes amis, pensa-t-elle, tournant ensuite son regard brillant vers les étendues enneigées puis le ciel scintillant…
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Lou
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MessageSujet: Re: Changement   Changement EmptyMar 29 Nov à 9:16

Postée derrière un bout de muret délabré, elle avait tendu le fil de l’arbalète et la pointe d’acier brillait légèrement à la clarté du soleil couchant. Bien que l’effort demandé par sa position statique soit peu pour elle, Lou avait mal aux épaules. Elle avait même mal de partout… Son corps ne lui avait jamais tant semblé être une plaie depuis… Une image fugace la fit tressaillir ; ses doigts se retinrent d’appuyer sur la détente de justesse. Chassant l’impression sans en attendre plus, la guerrière reporta son attention sur ce qu’elle visait. Un peu plus loin, un rat aussi gros que laid venait enfin fureter sur le sol caillouteux. Le rongeur se dressa sur ses pattes arrière comme pour humer l’air ; l’instant d’après, un trait le projetait plus loin, figeant son dernier acte.

Lou se redressa en gémissant. Ses jambes raidies par la position l’élancèrent alors qu’elle ramassait sa « proie ». Le soir obscurcissait doucement la vallée aux décors ternes et monotones… Rejoignant un abri de fortune, quelques pierres entassées pour délimiter une petite zone, où elle avait tendu une fine couverture sur quatre bâtons de bois plantés dans le sol, elle se laissa tomber lourdement. Ses forces l’abandonnaient complètement. Depuis combien de temps traînait-elle ici ? Elle était partie tout d’abord dans les marais à l’Est, autrefois nommés les Morasses Noires… Bien que l’endroit fut peu accueillant, il y subsistait encore trop de créatures pour qu’elle puisse relâcher son attention. Ses pas l’avaient alors mené dans l’endroit si peu chaleureux qu’était le défilé de Deuillevent. Jusqu’à tomber sur la tour. Elle se souvenait être venue une fois en suivant Alyta. On racontait qu’elle avait appartenue à un homme puissant… Grâce à un mage qu’elle avait connu, Lou en savait un peu plus : la tour abritait autrefois un sorcier reclus qu’on nommait « Medhiv ». Quelque soit son nom, l’occupant de ces lieux avait déserté depuis un moment. La tour restait inaccessible, malgré les efforts de la jeune femme pour soulever les grilles. Plus loin, des morts vivants rodaient, n’approchant pourtant pas du grand édifice… Ici, nul passage, nul crainte pour son entourage. Lou avait décidé d’y rester un temps, abandonnant ses dernières réserves à se retenir contre la violence du scellé.

Rassemblant le bois sec en cercle, elle fit étinceler le silex, soufflant sur la naissance des flammes qui venaient s’accrocher au bois comme une portée de nouveaux nés à leur mère. Les branches craquèrent de mécontentement. Lou s’affaissa un peu sur elle-même, contemplant les flammes qui venaient lécher leur proie plus vivement. Elle se sentait comme toujours fascinée par celles-ci… Fascinée et… horrifiée. Ses yeux se perdirent sur le foyer… Une douleur intense traversa soudain son crâne avec violence ; un visage, perdu dans les flammes, lui apparut brièvement. Une convulsion la poussa en arrière avec force, la tétanisant. Elle faillit s’étrangler, se forçant à se tordre sur le côté, crachant du sang, les muscles bloqués, et la névralgie foudroyant sa tête. Ses yeux rougirent et se révulsèrent… Elle perdit presque connaissance, mais la douleur, aussi vite qu’elle était venue, disparut, laissant son corps plus fatigué encore, reposer sur le sol. Lou, les yeux entrouverts, sonnée, attendit que la murette cesse de danser sous ses yeux pour tenter de se redresser. Son œil droit la piquait ; ses doigts vinrent effleurer sa joue pour y trouver du sang. Elle y voyait de moins en moins… Les tons paraissaient rougeâtres et de plus en plus flous. La jeune femme n’avait rien pour se soigner, et ne pouvait que constater la déchéance visuelle de son œil droit.
Avec une certaine méfiance, son regard se porta à nouveau sur le feu. Elle s’attendait à voir paraître un visage, mais il n’y eut rien d’autre que l’élément rougeoyant projetant des ombres de plus en plus larges sur le sol. Laissant échapper un soupir, la jeune femme arracha le carreau du rat, le regardant avec dégoût. L’idée d’en faire son repas une fois encore était écœurante, mais elle n’avait pas la force de chasser plus loin, et ses provisions étaient depuis un moment épuisées. Ici, rien ne poussait… Et pas même un oiseau ne se risquait à survoler les alentours. Résignée, la guerrière entrepris de cuisiner son dîner…

Les étoiles scintillèrent bientôt tour à tour dans le ciel sombre. Lou frissonna ; s’entourant d’une couverture, elle prit les escaliers qui menaient au pont, au bout duquel une grille scellée interdisait l’accès à la tour. Ses yeux ambrés commencèrent à luire d’un jaune brillant alors que la nuit étendait sa noirceur sur le paysage, accueillant les ombres sous ses bras rassurants. La jeune femme laissa son regard dériver alentour ; les pierres de la structure prenaient une teinte progressivement lumineuse et vive, et la terre pourtant si fade émanait elle aussi d’effusions de couleurs, toutes entremêlées. Etrangement, le décors paraissait bien plus imprégné « d’auras » qu’ailleurs. Comme si quelque chose y était plus condensé… Malgré la magnificence de ce qu’elle contemplait, il manquait un élément pour que Lou en apprécie vraiment la beauté. Elle tourna la tête à droite et à gauche : personne… Il manquait ses amis, il manquait ses proches pour rendre un éclat véritable au spectacle. Un peu décontenancée, la jeune femme décrocha quelque chose attaché à sa ceinture. La poupée soigneusement cousue avait l’éclat rouge passion d’une rose, et d’un violet chaleureux piqué d’étincelles d’un or pâle et doux comme un clair de lune. Lou soupira ; celle qui le lui avait offert avant son départ lui manquait aussi, chaque jour un peu plus. Mais Lou sourit en pensant qu’elle n’était pas complètement seule…
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MessageSujet: Re: Changement   Changement EmptyMar 29 Nov à 9:22

Il pleuvait fortement ce jour-là. Lou s’était abritée sous le coin qui donnait accès aux escaliers montant à l’étage. Elle avait perdue du poids, du fait des repas trop pauvres, et des crises violentes qui la plongeaient dans des heures d’oubli… Regardant les traits battrent les pierres sous les rafales de vent pour s’écraser sur la terre comme une retombée de flèches perdues, elle décida de faire un peu d’exercice. Attrapant le fourreau de cuir sombre, elle dégaina Calysse, avec plus de difficulté qu’elle ne le pensait. La lame lourde mais pourtant adaptée à sa force, lui paraissait aujourd’hui d’un poids bien trop important. Jetant le fourreau plus loin, elle se plaça en garde, positionnant ses jambes pour avoir le meilleur appui comme des racines tireraient leur force de la terre. Elle trancha l’air de quelques coups, avant de stopper la lame à ras du sol, le souffle déjà court. Pas assez rapide… se reprocha-t-elle en levant la garde, parée pour un estoc. Lançant la lame vers l’avant, elle redoubla d’efforts, tournant sur elle-même, faisant siffler l’épée de tous les côtés. Ses forces déclinèrent vite, et elle fini par lâcher l’arme, tombant à genoux, tentant de reprendre une respiration moins saccadée. Ses doigts se crispèrent au-dessus du dallage froid et humide. Des gouttes de condensations tombaient régulièrement, mourrant comme des kamikazes jetés vers le sol.
Soudain, les « plics » réguliers cessèrent. La jeune femme releva la tête ; une étrange ambiance qu’elle ne sut décrire envahit l’atmosphère, déformant l’espace près d’elle. Se relevant avec panique, la guerrière pensa que si elle ne rêvait pas, alors la folie avait définitivement gagné son esprit. Les dalles usées et sales laissèrent place à un sol neuf et entretenu. Le toit vétuste de bois, et les barrières, devinrent bientôt les murs d’une maisonnée, coupant comme un rideau la vue de la pluie. Dans une distorsion surnaturelle, apparurent à ses yeux quelques meubles, une table sur lequel trônait un vase emplit de fleurs, et une cheminée crépitante qui donnait à la petite pièce une légère lueur.
- Alors ta réponse est définitive…Tu as tord.
Lou tressaillit ; elle n’avait pas vu l’homme qui attendait un peu plus loin dans la pénombre, les bras croisés… Une obscurité qu’elle n’aurait du percevoir ainsi. Perdait-elle ses dons naturels ? Reculant un peu, elle traversa une chaise, et comprit avec stupeur qu’elle ne se trouvait pas vraiment « là ». Qu’était-ce alors ? Un tour de ses pensées, une nouvelle crise ?
- C’est non. Tu ne pourras pas m’en convaincre, et tu ne peux me la prendre de force.
Lou sursauta à nouveau, observant une femme qui s’avançait vers son interlocuteur, tenant quelque chose dans les bras. Aucun des deux ne semblait la voir, ni n’avaient conscience de sa présence dans le salon. Ne sachant quoi faire de mieux, la jeune femme demeura spectatrice de la scène.
- Elle est aussi un peu à moi… rétorqua l’homme. Tu sais ce que tu risques en la gardant ! Idiote ! Tu ne pourras la cacher éternellement !
La femme plissa les yeux , pinçant la bouche et fermant son expression comme pour prouver sa détermination. Détaillant les traits de son visage, Lou frissonna : cela lui rappelait vaguement quelque chose… Ses yeux étaient grands, noisettes, et des mèches de cheveux gris argent descendaient sur son front, bien que son âge ne puisse justifier cette teinte. Les sourcils foncés prouvaient encore qu’elle avait été brune…
- Bien bien… enchaîna l’homme en décroisant les bras. Je reviendrais plus tard en ce cas. Mais si tu viens à changer d’avis…
Il esquissa un bref sourire que Lou s’imagina mieux qu’elle ne le perçut ; elle grimaça, ne pouvant s’expliquer les sensations qu’il avait évoqué en elle par le simple son de sa voix… Puis une porte claqua un peu plus loin, se refermant derrière lui. Un léger pleur brisa le silence lugubre laissé dans la pièce. La femme soupira et son visage se détendit, laissant paraître un sourire, alors qu’elle repoussait un peu la couverture autour de ce qu’elle tenait : un bébé.
- Je ne te laisserai pas entre ses mains… Mais il faudra que je te cache des ombres ma petite Del…
Lou perçut un instant la bouille de l’enfant qui s’agitait : ses yeux brillaient d’un jaune vif… Puis la « magie » des lieux se brisa, s’engouffrant comme dans un entonnoir invisible pour céder au bruit de la pluie et à l’abri de fortune. La guerrière demeura là, hébétée, à considérer le rêve éveillé… C’était plus que cela, c’était une vision, et sans nul doute du passé. De son propre passé…
« Ma petite Del… »
Les mots résonnèrent dans sa tête un long moment, couvrant le fracas du temps contre la tour si insolite…
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Lou
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MessageSujet: Re: Changement   Changement EmptyDim 1 Jan à 17:54

Jour gris… Ou nuit claire… Aucune différence. Lou venait d’ouvrir les yeux, de prendre conscience qu’elle était encore tombée. Affalée sur le dos à même le sol graveleux, elle se redressa à l’aide des coudes ; elle s’était éloignée de la tour, et était tombée près d’une vieille habitation en ruine, qui s’alignait avec d’autres cadavres de demeures saccagées et abandonnées. La jeune femme chercha à se relever, mais à peine debout, ses jambes fléchirent ; une douleur prononcée sur sa cuisse droite lui laissa comprendre qu’elle n’avait pas chômée durant cette absence. Elle ne portait pas son armure, seulement ses vêtements de repos. Accrochée à son dos, Calysse, et non pas la lame dont elle se servait habituellement.

Ces éléments pris en compte, ses yeux acérés dépouillèrent les alentours de leur moindre détail. Le vent faisait rouler des feuilles mortes à quelques centimètres du sol, et le battant brisé d’une maison claquait contre un reste d’encadrement. Elle entendit un bruit de pas, une démarche lente, résonner près des ruines. Une forme lui parut plus loin, assez grande pour être celle d’un homme… Forçant sur ses jambes, elle se remit d’aplomb, chaque sens aux aguets. Elle ne tarda pas à percevoir la silhouette traverser l’une des maisons délabrées, au toit effondré depuis un moment. La tête baissée, le visage caché par des cheveux sales et abîmés, les bras ballants et le corps voûté dans des vêtements déchirés, elle n’eut pas de mal à reconnaître là un mort-vivant… Elle s’était trop éloignée de la tour. Il lui fallait faire marche arrière, car si ces êtres n’étaient pas les plus coriaces dans le maniement des armes, ils l’étaient dans leur résistance inhumaine. Son état ne lui permettrait pas de lutter correctement.

Elle n’eut pas le temps de se retourner. Un frottement derrière elle lui fit savoir que d’autres étaient tout près. L’instinct la fit réagir quand la créature, l’apercevant, se rua sur elle. Calysse fut aussitôt dans ses mains, aussitôt tournée vers son assaillant. Mais la charge la déséquilibra complètement, tout comme le poids de l’arme qu’elle peinait à supporter à présent. Elle fut poussée sur un côté, atterrissant sur le flanc, la créature chutant quand à elle à l’opposé. L’arme avait glissée sur les cailloux à deux mètres d’elle. Trop loin. Le mort remit sur pattes tourna son regard vide de toute lueur vers elle, se jetant en avant, son épée au poing. Seule alternative, éviter le coup et le repousser au corps à corps. L’instant pour le penser fut aussi court que le moment ou la lame ennemie s’abattait sur elle.


Lumière éclatante, puis bouleversement du paysage. Elle roula sur le côté, dans une herbe haute. Abasourdie, son regard se porta sur de grandes plaines boisées. Où était-elle ? C’était le crépuscule, et le ciel s’étalait d’un rouge sang au-dessus des terres. Elle distinguait une épaisse fumée noire qui s’élevait dans les airs, brouillant le paysage lointain.
Des sifflements dans la végétation attirèrent soudain son attention. Elle grimpa sur le haut d’une butte, apercevant un groupe de soldats en armure qui avançait au pas de course entre les herbes. Le détachement formait une file organisée, et des hommes d’armes chevronnés, dont les galons ornaient leur cuirasse métallique, donnaient l’ordre d’aller plus vite. Ils semblaient partir à l’assaut de quelque chose. Ils passèrent tout près d’elle, ne la remarquant pas. Un soldat eut un regard en arrière… Lorsque Lou croisa ses yeux, elle lut dans ces derniers une terreur sans nom. Ils ne partaient pas attaquer… Non, ils fuyaient.
Un bruit sourd se fit entendre. Des craquements dans les branches derrière, et des cris, des grognements qui brisèrent la tranquillité des lieux. Des projectiles enflammés, sortes de lances massives, passèrent au-dessus des hommes, venant se ficher dans les bois autour. L’un d’eux vint empaler le soldat le plus à la traîne, lui arrachant un cri d’horreur, alors qu’il tombait agonisant. L’homme qui semblait détenir le commandement de la troupe hurla de stopper la course et de s’abriter derrière le renfoncement qu’offrait le terrain. Lou s’en approcha, spectatrice silencieuse. Il attrapa un cor accroché à son cou, et en sonna trois longue fois, la vibration de la note claire se propageant à travers bois.
- Espérons qu’il nous entendront et seront là à temps… murmura-t-il comme d’un dernier espoir.
Les combattants dégainèrent leurs armes, éclairant leur retraite d’une lueur rougeâtre : des enchantements flamboyants dansaient sur le métal…

Pendant quelques instants qui semblèrent s’éterniser, les cris au loin cessèrent. Les mains se resserraient sur les gardes, les muscles se tendaient. Les gorges nouées n’avalaient plus de salive, et presque toutes les respirations s’étaient bloquées. La jeune femme déchiffra le visage de leur chef : celui d’un homme qui va à la mort, et qui sait inéluctablement que ce sera son dernier combat.
Alors, des bruits qui semblaient être les pas de titans dans le sol reprirent de plus belles, et des grognements puissants, vinrent les glacer d’effroi. Ils surgirent comme une nuée de météores s’abattant du ciel : des êtres au corps sombre dévorés de flammes, pourvus d’ailes qui obscurcissaient les dernières lueurs du jour. Les démons…

Le premier choc se montra d’une violence inouïe : les hommes furent repoussés en arrière, massacrés tel un bétail que l’on a décidé d’abattre. Le commandant hurla de resserrer les rang et d’attaquer, donnant l’exemple en menant une charge, avant qu’ils ne soient trop dispersés et prêts à fuir. Ils étaient bien plus nombreux que leurs adversaires, mais ceux là dominaient par leur taille et leur puissance inouïe. Leurs épées démesurées balayaient les humains telles des poupées de chiffon. Leurs fouets enflammés venaient démembrer les impudents qui osaient approcher pour porter un coup. Les premiers rangs dégrossis, les hommes à l’arrière lancèrent des javelots qui n’eurent pour seul impact qu’un sourire machiavélique sur les têtes cornues des créatures. Les épées d’où jaillissaient les flammes leur arrachaient toutefois des cris lorsqu’elles se plantaient dans leur chair. Mais encore aurait-il fallu que leur force leur permette de traverser assez les peaux épaisses de leurs adversaires.
Des créatures moindres, diablotins, et carnassiers vêtus de leurs ténèbres, se mêlaient au beau milieu du combat. Toujours plus nombreux, le rang des soldats maigrissait à vue d’œil… Et Lou, au milieu de ce carnage sans nom, ne pouvait les aider, forcée d’observer la violence d’une lutte à mort. Le commandant enfonça sa large Claymore dans le crâne d’un des êtres, qui sembla sourire d’un air effrayant avant de s’immobiliser. Il s’arrêta un instant, observant le souffle court, ses hommes jetés démembrés ça et là, transformant les lieux en un bain de sang, leur propre sang. Un monstre dressé sur six pattes, la gueule débordants de crocs et de flammes, bondit sur lui, le renversant à terre. La bête transperça de ses griffes acérées la plaque qu’il portait, jusqu’à atteindre sa chair. Le bretteur gémit de douleur, tentant de dégager son bras et son épée. Le chien infernal vint engloutir sa tête au moment où la Claymore traversait d’un grand geste horizontal son cou. Silence. Les deux corps s’éteignirent presque en même temps.

Puis des sons de cor résonnèrent dans les sous-bois. Les soldats, qui combattaient avec désespoir à présent, semblèrent regagner un peu d’optimisme. Lou vit des lueurs qui apparaissaient de plus en plus nombreuses entre les arbres de la forêt. Bientôt, des hommes en arme surgirent, torche en main, qui en escortaient d’autres vêtus de grandes robes blanches. Ceux-ci restèrent à l’arrière, et des incantations, murmures magiques et incompréhensible aux oreilles néophytes, formèrent un fond sonore des plus étranges. Des éclats jaillirent de leurs mains, fondant sur l’ennemi avec une précision mortelle. Feu, glace, et autres sorts époustouflants vinrent emprisonner les membres des démons à terre, les soldats se jetant alors sur eux, ou encore réduire leurs ailes et leurs protections à néant. D’une voix gutturale, un des démons hurla dans sa langue un ordre. Les créatures cherchèrent à s’élancer d’un vol vers le rang arrière meurtrier, mais la rangée humaine d’escorte arma des flèches magiques, criblant les ennemis qui tentaient cet assaut furieux. Les autres soutiens dégainèrent leurs épées, apportant renfort à la bataille.
Alors, elle la vit. Une forme sur une butte à l’opposé d’elle, silhouette humaine qui semblait observer le combat. L’ombre finit par se jeter avec nonchalance dans la mêlée, sortant une lourde arme qui brillait plus que celle des humains. Elle fondit sur un des démons, l’affrontant avec vigueur, tranchant d’un coup sec l’un des bras qui tendait le fouet. Les soldats se jetèrent sur la bête, l’aidant à l’achever. Giclant un sang sombre de ses blessures, la créature finit par s’effondrer… Et la personne qui avait porté le coup fatal, sortir la lame sanglante, avant… d’embrocher les soldats.
Pourtant loin de la scène, Lou sentit son sang se glacer. Elle fit un pas en arrière. La furie en face s’élança sur un autre démon, taillant ceux-ci sur son passage, en même temps que les humains… Ajoutant à la confusion, au chaos, créant un non sens dans cette lutte de deux camps pourtant distincts. Lorsque l’ombre bondit sur un des chiens infernaux pour transpercer sa tête de part en part, penchée sur celle-ci le dos voûté et agrandissant l’orbite enflammé en une fente hideuse, Lou s’immobilisa. Le bruit des combats lui semblèrent d’un flou total, presque un son lointain. Les mouvements et les fracas devant elle se firent au ralentit, de même que les éclats magiques se figèrent dans les airs en direction de l’ennemi, laissant une traînée lumineuse derrière eux. La forme combattante releva la tête. Elle vit deux yeux brillants.
Un œil luisait d’un jaune vif, et l’autre, d’un rouge ardent.


Un souffle balaya l’herbe en un sol caillouteux et terne, les rumeurs du combat en un silence glauque, près des restes des maisons. Le grognement de rage du cadavre lui fit vite ressaisir ses esprits. La lame n’avait qu’effleuré le sol où se trouvait sa tête juste avant, mais se redressait déjà pour porter le coup suivant. Lou se tendit sur le coté pour attraper Calysse. Elle eu tout juste le temps de dévier l’attaque, d’un geste lent qui draina ses dernières ressources. Puis d’un coup de botte sur la rotule, elle fit basculer son adversaire, afin de se redresser. Elle plongea Calysse dans le crâne de ce dernier. Trop lente. Tendant le bras, l’ennemi avait traversé son épaule. Serrant la mâchoire, la guerrière tira d’un coup sec sur sa lame vers le bas, traçant un sillon grossier dans le mort qui déchira son visage décharné jusque la poitrine. Puis elle recula en titubant, la blessure empourprant le tissu de sa chemise.
Sa vue devint flou. La nausée la reprit. Pas le moment de s’évanouir… songea-t-elle en tombant à genou. Une douleur vint marteler son crâne, foudroyant celui-ci, inhibant jusque ses pensées et tout autre sens. Calysse dans ses mains, se mit à luire, prenant une teinte incandescente. Non… Voletant à proximité, une vive lumière vint tournoyer autour de son visage, comme un feu magique flottant dans les airs. Elle sentit une décharge secouer ses membres. La créature lumineuse qui semblait être une fée d’un merveilleux éclat, lui faisait endurer un martyr de trop. Lou souleva Calysse. Les forces lui revinrent. La haine la saisit. Quand l’étrange feu follet disparut en un milliers de lucioles virevoltantes, elle comprit son erreur. D’autres morts-vivants, attirés par la lumière, l’aperçurent. Pas question de mourir maintenant, ragea la jeune femme en tendant ses muscles. Vous tous… Vous allez payer…

Son regard étincela plus que de coutume. Des sentiments lui revinrent, de brefs souvenirs. L’épée devenait sa force, elle devenait l’arme… Celle qui avait survécu contre toute attente, dont la volonté de vivre surpassait tout. Et la volonté de se venger…
Ses forces se décuplèrent, ses mouvements devinrent un tourbillon dangereux où chaque coup de lame dansait d’une traînée enflammée dans les airs suivie d’un sang sombre. Ses yeux ne voyaient que des humains aux sourires cruels, ou à l’expression de dégoût. L’envie de les tailler en pièce, d’effacer les moqueries à son égard où des lèvres semblaient s’ourler pour murmurer qu’elle n’était qu’une aberration, devinrent ses seules pensées, sa seule volonté. Elle ne cherchait plus à refouler sa haine… Elle souhaitait même qu’elle l’emporte, pour qu’elle en finisse de toutes ces contradictions, basculant dans la facilité. La marque posée sur son cœur prit la couleur rouge de Calysse, brûlant la chair sous celle-ci, et un voile blanc effaça les limites du paysage, de son esprit, pour la plonger dans des instants de combat plus jouissifs que jamais. Les barrières qu’elle imposait à son instinct se brisèrent, le blocage du sceau qu’elle portait, faiblit encore.

Reste dans la lumière… Elle l’a tué, elle l’a tué ! Je t’aime ma petite Del… Et nous jugeons de son acte de trahison et d’hérésie… Je t’aime aussi m’man… Toi, tu vas comprendre les lois humaines ! Héhé, on va le venger à notre façon… Voilà votre or et cela vous débarrassera de votre monstre… Un amusement de choix pour nous ouvrir l’appétit !

Des mots, des voix, taillèrent comme une blessure profonde dans le voile blanc si agréable. Sa fureur atteignit l’apogée. Elle dépassa ce qu’elle aurait jugé être ses limites, croyant affronter cette fois, les gueules tordues et haineuses des démons. Et sa rage contre eux, contre les humains, contre tous, libéra cette partie d’elle-même qu’elle refusait, celle qu’on aurait pu doucement prénommé, la corruption…
Lorsque le dernier de ses ennemis termina empalé sur la lourde lame, et jeté au loin tel un fardeau misérable, elle s’effondra. Son corps tressaillait, au bout de tout ce qu’il pouvait fournir. Mais la vie ne s’échappait pas de lui, elle luttait toujours, aussi frénétique que la guerrière dans sa rage.
Près de deux jours entiers s’écoulèrent. Lorsqu’elle reprit connaissance, son corps s’était rétabli un peu, mais elle manquait cruellement de nourriture. La bouche pâteuse et assoiffée, elle remercia la chance de l’avoir laissé dans des décombres, à moitié cachée.
Quand atteignit la rivière, se désaltérant puis nettoyant son œil droit qui avait semblait-il beaucoup saigné, elle s’aperçut qu’elle était aveugle de ce dernier. Se penchant sur l’eau claire, son reflet… la fit bondir en arrière. L’iris ambré avait cédé à une belle teinte rouge sang.

Elle prit quelques jours pour panser ses blessures, et se rétablir. Son état semblait mieux bien qu’elle ai perdu l’usage de son œil droit. Elle n’avait plus perdu connaissance depuis cette crise là. Mais les mots bizarres qui venaient à son esprit, ou certaines pensées, la convainquirent qu’il était temps. Temps pour rentrer, et enfin se confronter à son passé…
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